Points clefs :
– La « fragilité » est un état réversible entre la « perte d’autonomie » et le vieillissement « usuel » qui peut toucher l’ensemble de la population avec le temps.
– Le vieillissement « fragile » augmente la survenue de la démence, de chutes, de pathologies chez les personnes âgées avec le risque de basculer dans la dépendance.
– Si on la détecte, il est possible de sortir de la fragilité pour bien vieillir chez soi, en adoptant un mode de vie sain et en pratiquant une activité physique et intellectuelle.
Avec l’augmentation de la durée de vie, le bien vieillir est devenu un enjeu de société majeur. Ce constat s’accompagne de l’essor de la gérontologie et l’apparition de nouveaux termes médicaux relatifs aux personnes âgées. La majorité des forces de la gérontologie sont actuellement tournées vers les personnes âgées dites « dépendantes ». Notre société subit les conséquences du vieillissement et de la dépendance mais ne lutte pas contre les facteurs conduisant au déclin fonctionnel. Pourtant, des actions de prévention et des changements simples dans notre mode de vie pourraient nous permettre de mieux vieillir. En effet, entre le vieillissement « robuste et usuel » et celui avec « dépendance », il existe le vieillissement dit « fragile », réversible, qui devrait retenir toute notre attention.
Mais qu’est-ce que la fragilité ? Quelles sont ses conséquences ? Et surtout, comment l’éviter pour gagner en confort de vie avec l’âge ?
Qu’est-ce que la fragilité ? [1-2]
L’OMS définit la « fragilité » d’un point de vue biologique comme « le produit de l’accumulation d’un vaste éventail de dommages moléculaires et cellulaires au fil du temps. Celle-ci entraîne une dégradation progressive des capacités physiques et mentales, une majoration du risque de maladies et, enfin, le décès ». Sur le plan biologique, on parle aussi de sénescence.
La Société Française de Gérontologie et Gériatrie définit, elle, la « fragilité » d’un point de vue clinique comme « une diminution des capacités physiologiques de réserve qui altère les mécanismes d’adaptations au stress […]. L’âge est considéré comme un déterminant de fragilité mais n’explique pas à lui seul ce syndrome ».
Concrètement, ces définitions signifient que l’organisme ne dispose plus de suffisamment de ressources pour lutter contre les évènements indésirables auquel il peut être confronté et s’affaiblit avec le temps sur le plan physique comme mental.
Enfin, il est important d’ajouter à la définition de la « fragilité » son caractère REVERSIBLE.
Qui est concerné et quels sont les risques ? [3-4]
Tout le monde est concerné par le risque de « fragilité ». Ce risque augmente avec l’âge qui est un facteur de risque important. Les données disponibles pour l’Europe estiment que 30% environ des personnes de plus de 65 ans sont « pré-fragiles » et 15% sont « fragiles ».
Le vieillissement « fragile » s’accompagne d’altérations des fonctions physiologiques souvent infraclinique et sans rapport avec une pathologie définie. Comme la personne fragile est beaucoup plus vulnérable aux évènements stressants de la vie (psychologiques, accidentels ou maladies), son état risque de dégénérer en une perte d’autonomie. Par exemple, une étude a montré qu’une personne « fragile » à 2.5 fois plus de risques que quelqu’un en bonne santé de développer une démence. La « fragilité » est aussi associée à une hausse du risque de chutes, de dégradation de la marche, de perte d’autonomie pour les activités quotidienne, d’hospitalisation et de décès
Le risque majeur pour la personne âgée dite « fragile » est donc de basculer de la fragilité qui est réversible à la « dépendance » qui est irréversible. La « dépendance » concerne 10% des sujets âgés. Ces personnes sont fréquemment hospitalisées ou en institution.
Comment et pourquoi détecter la « fragilité » ? [5-6]
Le risque élevé de dépendance des personnes « fragiles » n’est actuellement pas pris en considération dans le système de santé et le dépistage n’est pas mis en place. Pourtant, le fait que la « fragilité » soit un état réversible et instable signifie qu’il n’est pas obligatoire d’en subir les conséquences. Des mesures peuvent être prises pour l’inverser, ce qui n’est plus le cas après basculement dans la « dépendance ». Cependant, cela sous-entend d’être capable de poser un diagnostic pour avoir une bonne prise en charge des patients.

Il existe plusieurs méthodes d’évaluation comme celle basée sur l’étude CSHA, qui liste 92 critères, ou la grille SEGA qui comprend 2 volets de 13 critères principaux et 11 critères complémentaires. Néanmoins, la méthode dite phénotypique, approuvée par la société américaine de gériatrie reste plus pratique, précise et simple pour les cliniciens. Elle permet en outre d’envisager le diagnostic par un proche ou l’auto-diagnostic. Avec cette approche, la fragilité est vue comme un syndrome clinique défini par la présence de trois ou plus des symptômes ci-dessous (2 pour la pré-fragilité) :
- Perte de poids involontaire (4-5 kg en un an).
- Sensation d’épuisement.
- Diminution de la force musculaire.
- Vitesse de marche lente (plus de 4s pour parcourir 4m).
- Activité physique réduite (sédentarité).
Comment lutter contre la fragilité ? [4-7]
L’objectif principal de la gérontologie préventive est de permettre aux patients de passer d’un état « fragile » vers un état « robuste et usuel » avec une quasi-absence de pathologies et de perte des fonctions physiologiques (50% de la population âgée). Il existe des approches très efficaces et accessibles à tous pour permettre aux personnes « fragiles » de revenir sur une trajectoire de vieillissement en bonne santé.
L’une des plus évidentes concerne l’hygiène de vie et un mode de vie sain. Maintenir une activité physique et lutter contre la sédentarité ainsi qu’avoir une alimentation saine et équilibrée sont de bons moyens de se maintenir une bonne santé avec l’âge. De la même manière, limiter sa consommation d’alcool et ne pas fumer sont aussi des actions à la portée de tous pour vivre mieux.
Sur le plan mental, garder une activité intellectuelle prémunit contre le déclin cognitif et réduit les risques de développer des maladies neurodégénératives, de même que l’activité sociale.
Enfin, se faire suivre par des professionnels de santé ou des acteurs sensibilisés à ces problématiques est une bonne approche pour lutter efficacement contre la fragilité liée à l’âge.

Sur un plan plus biologique, la « fragilité » est associée au vieillissement de l’organisme, lui-même associé en grande partie à la sénescence des cellules. La lutte contre la sénescence des cellules est un domaine très actif de la recherche médicale et les avancées scientifiques dans ce domaine pourraient permettre de mettre au point des approches thérapeutiques pour lutter contre la « fragilité ».
Bibliographie :
1 https://webzine.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2013-06/fiche_parcours_fragilite_vf.pdf
2 https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/ageing-and-health
3 Santos-Eggimann, B., Cuénoud, P., Spagnoli, J. & Junod, J. Prevalence of frailty in middle-aged and older community-dwelling Europeans living in 10 countries. J. Gerontol. A. Biol. Sci. Med. Sci. 64, 675–681 (2009).
4 Ward, D. D., Ranson, J. M., Wallace, L. M. K., Llewellyn, D. J. & Rockwood, K. Frailty, lifestyle, genetics and dementia risk. J. Neurol. Neurosurg. Psychiatry (2021) doi:10.1136/jnnp-2021-327396.
5 Fried, L. P. et al. Frailty in older adults: evidence for a phenotype. J. Gerontol. A. Biol. Sci. Med. Sci. 56, M146-156 (2001).
6 Newman, A. B. et al. Associations of subclinical cardiovascular disease with frailty. J. Gerontol. A. Biol. Sci. Med. Sci. 56, M158-166 (2001).
7 Rockwood, K. & Mitnitski, A. Frailty in relation to the accumulation of deficits. J. Gerontol. A. Biol. Sci. Med. Sci. 62, 722–727 (2007).
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