Retour

Les télomères

photo hero

Les télomères seraient-ils la clé de la longévité ?

Les télomères, petites structures protectrices de l’extrémité de nos chromosomes, raccourcissent lors des divisions cellulaires, aboutissant ainsi à la mort inéluctable des cellules après un nombre défini de divisions.

Depuis 2009, ils sont sous les feux des projecteurs grâce à Elizabeth Blackburn, prix Nobel de Médecine, qui a découvert le rôle d’une enzyme, la télomérase, qui rallonge et protège les télomères dans nos cellules les plus précieuses, les cellules souches et les cellules reproductrices.
Il semble donc que le couple « télomère / télomérase » joue un rôle important dans la durée de vie de nos cellules…

 

Des télomères qui s’étiolent comme peau de chagrin

Les télomères sont des structures essentielles situées aux extrémités des chromosomes[1]

Ils les protègent des dégradations enzymatiques, des recombinaisons et des fusions interchromosomiques.

Les télomères humains mesurent entre 5 000 et 12 000 paires de bases[2]. Ils contiennent la séquence répétée « TTAGGG » des milliers de fois. A chaque division cellulaire, une centaine de paires de base est perdue au niveau des télomères qui s’usent donc progressivement[1,3,4].
Quand ils atteignent un seuil critique appelé la limite de Hayflick, les cellules cessent de se diviser et deviennent sénescentes (voir article dédié).
Ce phénomène est surnommé l’horloge moléculaire ou télomérique. Pour résumer, chaque division est un pas en avant inéluctable vers la mort de la cellule.

 

 

 

La longueur des télomères a-t-elle un lien avec la santé ou la longévité ?

a. Raccourcissement des télomères: Cause ou conséquence ?            

Une revue systématique[5] a décrypté pour la première fois des résultats issus de 21 méta-analyses et a évalué 50 critères de santé. Il ressort des résultats que les télomères courts sont corrélés à une forte incidence de cancer de l’estomac, et probablement de diabète, de maladies cardio-vasculaires et de maladie d’Alzheimer.
Mais les preuves éditées dans les publications ne permettent pas de savoir si la longueur des télomères est une cause ou une conséquence des pathologies associées.
Ces conclusions, un peu décevantes, s’expliquent par les études utilisées lors de cette méta-analyse. Certaines sont limitées avec une faible taille d’échantillons et d’autres comportent des biais méthodologiques.
D’autres travaux seront nécessaires afin de comprendre précisément l’impact de la longueur des télomères sur le développement de certaines pathologies.

b. Pour vivre vieux, ne soyons pas à court de télomères

Une autre méta-analyse[6] portant sur 121 749 individus a permis d’évaluer le lien entre longueur des télomères et la mortalité toute cause.
Les résultats montrent que les télomères courts des leucocytes sont associés à une augmentation de risque de la mortalité toute cause surtout chez les individus de moins de 80 ans.
Il est intéressant de noter que les femmes ont en moyenne des télomères plus longs que les hommes au même âge. Le genre féminin semblerait donc limiter le raccourcissement des télomères, principalement à cause des effets protecteurs des œstrogènes ou de la présence de 2 chromosomes X féminin. Ces hypothèses restent à élucider.

c. Déstressons nos télomères !

 

Quand on parle d’ADN et de télomères, l’épigénétique (voir article dédié) joue un rôle important.
Les travaux de l’équipe d’Elisabeth Blackburn ont ouvert la voie à de nombreuses recherches portant sur le rôle de l’environnement dans l’activité de la télomérase[7,8].
Il est maintenant prouvé que le stress chronique accélère le raccourcissement des télomères.
Plusieurs critères ont été observés par catégorie d’âge tels que le niveau socio-économique, les évènements stressants de la vie quotidienne, le stress professionnel ou celui lié à notre voisinage.
Il ressort que les télomères des enfants sont les principales victimes[8].
Ces résultats ne sont pas nouveaux. D’autres données ont montré que les télomères d’un enfant de 9 ans vivant dans un milieu de vie défavorable étaient 19 % plus courts que ceux d’un milieu favorisé.

Un faible niveau d’éducation, la pauvreté et l’instabilité familiale altèrent significativement les télomères[8,9] donc la durée de vie.

d. Relation avec le cancer

La télomérase, en réparant les télomères, participe à l’immortalité maitrisée des cellules souches et des cellules reproductives (ou germinales), on l’a vu.
On doit donc s’interroger sur le rôle de cette enzyme sur un autre type de cellules immortelles que sont les cellules cancéreuses qui l’expriment dans 90% des cas alors que les cellules non cancéreuses ne l’expriment pas. Son expression est liée à la progression de l’oncogenèse.

Il a été montré cependant que même si la télomérase est activée dans les cellules cancéreuses elle n’est pas un oncogène qui peut induire la cancérisation d’une cellule[9] .

Ainsi, comme souvent en biologie, la télomérase est soumise à une régulation délicate : Bien régulée, cette protéine est capable de rendre immortelles (mais non prolifératives) les cellules qui l’expriment ; mal régulée, elle participe au développement de cancers.

Comment mesurer la longueur des télomères[10] ?

De nombreuses sociétés proposent la mesure de votre âge biologique en mesurant la longueur de vos télomères. Des télomères trop courts pour votre âge témoigneraient d’un vieillissement accéléré tandis que des télomères plus longs que la moyenne seraient en faveur d’une vie longue et en bonne santé.

Un des inconvénients majeurs en employant la longueur de télomère comme mesure clinique est sa variabilité élevée entre différentes personnes, qui est déterminée à la naissance.

Un second écueil est lié au fait que tous les organes du corps ne vieillissent pas de la même façon, et même si les leucocytes sont un type cellulaire représentatif pour l’étude du vieillissement, les tests analysent essentiellement des populations cellulaires provenant d’un échantillon sanguin, et cela reste encore trop réducteur.

Pour avoir une véritable idée de votre âge biologique, il faut associer de nombreux autres paramètres biologiques et cliniques et les intégrer dans un algorithme (voir article dédié en cours).

 

Il existe différentes méthodes pour mesurer la longueur des télomères que nous n’allons pas détailler. Les techniques de PCR semblent être les meilleures en termes de reproductibilité.

La technique de Q-PCR (quantitative – Polymerase Chain reaction) :

Cette méthode est très utilisée dans les études épidémiologiques car elle est rapide et requiert peu de matériel génétique. Globalement, un signal fluorescent détecte l’ADN télomérique, l’ADN est amplifié et un ratio est déterminé entre le nombre de copies de la séquence télomérique et la simple copie du gène.

Conclusion

Les télomères sont de précieux indicateurs de notre état de santé.

Mais la science doit encore définir le lien de causalité entre leur longueur et notre durée de vie en bonne santé.
Ceci est d’autant plus important que l’on sait maintenant qu’il est possible de rallonger nos télomères en modifiant notre mode de vie. D’autres recherches sont nécessaires pour en savoir plus et maîtriser la longueur de nos télomères.

Quoiqu’il en soit, les données ont montré qu’avoir des télomères longs est associé à une vie plus longue et en meilleure santé. D’autres études seront nécessaires pour comprendre précisément leurs effets sur notre longévité.
En attendant, gardons à l’esprit que les enfants ont des télomères plus sensibles aux stimuli de l’environnement. Ils requièrent une vie sereine pour conserver leurs télomères en bonne forme.

 

 

Bibliographie:

 

[1] Ouellette MM and Savre-Train I. Les télomères et le vieillissement des cellules. Med Sci 2000 ;16:473-480.

[2] Rufer N and Nabholz M. Télomérase, élixir de jouvence des cellules humaines. Med Sci 2003 ;19:345-350.

[3] Kahn A. Télomères, maladies et vieillissement, Med Sci 2005 ;21:451-452

[4] Shay JW and Wright WE. Telomeres and telomerase: three decades of progress. Nat Rev Genet 2019 ;20(5):299-309.

[5] Smith L et al. Telomere length and health outcomes: an umbrella review of systematic reviews and meta-analyses of observational studies. Ageing Res Rev 2019 ;51:1-10.

[6] Wang Q et al. telomere length and all-cause mortality: a meta-analysis. Ageing Res Rev 2018 ;48:11-20.

[7] Willis M et al. A scoping systematic review of social stressors and various measures of telomere length across the life course. Ageing Res Rev 2018 ;47:89-104.

[8] Mitchell C et al. Social disadvantage, genetic sensitivity, and children’s telomere length. Proc Natl Acad Sci U S A. 111(16):5944-9.

[9] Morales et al. Lack of cancer-associated changes in human fibroblasts after immortalization with telomerase. genet. 21,115-118 (1999)

[10] Mensa E et al. The telomere world and aging: analytical challenges and future perspectives. Ageing Res Rev 2019 ;50:27-42.

0 commentaires Ecrire un commentaire

Ecrire un commentaire