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Le vieillissement, une structure en poupées russes

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Points clefs :

 

  • L’âge et ses conséquences sont des enjeux cruciaux des sociétés modernes mais le manque de compréhension de ce phénomène complexe nuit grandement à la recherche de solutions.

 

  • Le vieillissement est un phénomène « multicouches » qui a évolué avec les organismes au cours du temps et qui comprend des aspects distincts.

 

  • Cette vision en « poupées russes » du vieillissement fournit un outil permettant de mieux aborder les recherches dans ce domaine.

 

Comprendre le vieillissement pour mieux le combattre.

Avec l’accroissement de la durée de vie et le vieillissement de la population, la question du « bien vieillir » prend une place de plus en plus importante dans notre société. Les maladies liées à l’âge sont plus nombreuses avec les années et la question de la « dépendance » est plus que jamais un enjeu de santé publique. La science cherche activement des solutions à ces problématiques et les premiers résultats sont très encourageants.

Bien que nous ignorions encore énormément de choses sur le vieillissement, cela n’empêche pas les chercheurs de trouver des moyens de le contrer. Néanmoins, il parait raisonnable de penser que mieux nous connaitrons l’adversaire, plus nous serons en mesure de le combattre efficacement.

 

Le vieillissement évolue avec les organismes.

La biologie du vieillissement a répertorié et décrit les « caractéristiques du vieillissement », c’est-à-dire les mécanismes cellulaires et moléculaires impliqués dans le vieillissement humain. La théorie évolutionniste du vieillissement quant à elle, a jeté les bases d’une compréhension globale du phénomène. Cette théorie consiste à dire que le vieillissement existe depuis toujours et c’est complexifié en parallèle des organismes. C’est pourquoi, des caractéristiques du vieillissement sont communes aux espèces unicellulaires comme complexes tandis que d’autres sont spécifiques de branches plus évoluées.

Du fait de leur cumul, on parle de « couches de vieillissement »

Les 8 couches du vieillissement.

 

Première couche :

 

Le mécanisme de vieillissement le plus ancien est l’accumulation de protéines dépliées ou instables. On retrouve ce phénomène déjà dans les organismes unicellulaires, en conséquence, cette « couche » est universelle.  Tous les êtres vivants, y compris ceux qui ne semblent pas vieillir , subissent au moins un effet de l’âge. Néanmoins, ces effets peuvent être efficacement contrés par des mécanismes antivieillissement comme la division cellulaire.

 

Deuxième couche :

 

Avec l’évolution, un support plus sophistiqué est apparu pour l’ADN : la chromatine, une structure complexe composée d’ADN et de protéines comme les histones. La deuxième altération due à l’âge est donc commune à tous les eucaryotes (ensemble des espèces, comprenant l’Homme, dont les cellules ont un noyaux) et consiste en l’accumulation d’altérations sous forme de remodelage de la chromatine et de modifications des histones. Cette couche n’a, a priori, pas de lien avec la première.

 

Troisième couche :

 

La complexification de la vie s’est accompagné de l’apparition de nouvelles structures et mécanismes propres aux eucaryotes : noyau, mitochondries (et chloroplastes) et autophagie. La troisième couche résulte de l’apparition de ces caractéristiques et concerne tous les eucaryotes. Elle comprend les dommages par les oxydants à l’ADN mitochondrial et au noyau, la perte de qualité et de renouvellement des mitochondries, la diminution du recyclage des protéines. Des interactions entre la troisième couche et les précédentes sont probables : la génération d’espèce réactives à l’oxygène pouvant augmenter le nombre de protéines déformées.

 

Quatrième couche :

 

La quatrième couche du vieillissement ne concerne pas tous les eucaryotes mais seulement le sous ensemble « opisthokonts » auquel nous appartenons. Elle concerne tous les mécanismes de «détection des nutriments» comme les sirtuines, l’insuline et les voies TOR ou AMPK. Bien qu’elle soit apparue indépendamment des 3 couches précédentes, les interactions sont nombreuses. En effet, la gestion des ressources énergétiques de l’organisme contrôle de nombreux mécanismes ainsi que la vitesse du vieillissement des trois premières couches (directement ou indirectement).

Ces quatre premières couches constituent l’ensemble des caractéristiques du vieillissement unicellulaire. Chez ces organismes, le problème du vieillissement est en grande partie résolu par la reproduction sexuée ou clonale, qui remet à zéro l’âge d’au moins une des cellules issues de la division.

 

Cinquième couche :

 

La cinquième couche du vieillissement contient la méthylation de l’ADN et les altérations transcriptionnelles. Ces altérations ont pour effet de moduler l’expression des gènes et sont nécessaires à la coordination des cellules dans la vie d’un organisme multicellulaire. Beaucoup de chercheurs considèrent ces changements comme la meilleure mesure du vieillissement chez l’homme. Ils s’en servent pour calculer l’âge biologique (ou épigénétique) et tentent de l’inverser.

 

Sixième couche :

 

La sixième couche du vieillissement est la conséquence le déclin du potentiel de régénération des tissus. Elle apparait chez les organismes multicellulaires lorsqu’une distinction se fait entre les cellules souches et non souches. A la base, cette distinction était un moyen pour les espèces multicellulaires de régler le problème du vieillissement unicellulaire : les cellules endommagées peuvent être renouvelées et le renouvellement des cellules souches dépasse l’accumulation des dommages. Cependant, lorsque le renouvellement des cellules est insuffisant, l’organisme vieillit.

 

Septième couche :

 

La septième couche contient l’inflammation et l’accumulation de cellules sénescentes (cellules « âgées »). Ces mécanismes viennent du renouvellement cellulaire plus faible dans les organismes multicellulaires. L’inflammation, la sénescence cellulaire et la baisse du potentiel régénérateur des tissus forment ensemble le moteur du vieillissement de la plupart des organismes multicellulaires sénescents dont l’Homme.

 

Huitième couche :

 

La dernière couche du vieillissement comprend l’accumulation de mutations dans l’ADN nucléaire, le raccourcissement des télomères et les défauts de communications intercellulaires. Cette couche fait suite à une complexification importante des organismes dont les cellules deviennent interdépendantes.

 

 

Les caractéristiques du vieillissement spécifique aux organismes multicellulaires est représenté par les 4 dernières couches. De nombreuses espèces n’arrivent pas à résoudre ces problèmes de vieillissement qui impactent petit à petit l’ensemble de l’organisme jusqu’à entrainer sa mort.

Et maintenant ?

 

Cette vision multicouche du vieillissement permet d’avoir une vue d’ensemble du mécanisme général qui peut servir d’outil pour examiner les bénéfices d’approches anti-âge. Néanmoins, le vieillissement dans son ensemble est difficile à formaliser.

Notre compréhension incomplète de la manière dont la biochimie cellulaire influence le vieillissement à l’échelle de l’organisme et son extrême complexité a poussé beaucoup de chercheurs à utiliser une stratégie non optimale : d’abord réparer une forme de dommage cellulaire fondamental et observer si cela produit ou non des résultats sur les animaux ; ensuite chercher ce qui explique ces résultats. Ces interventions qui ciblent les mitochondries ou les dommages à l’ADN visent en réalité les couches du vieillissement unicellulaire pour ralentir le taux d’accumulation de cellules dysfonctionnelles avec le temps.

Or, il est aussi possible de cibler les couches du vieillissement multicellulaire, avec les sénolytiques ou les cellules CAR-T par exemple, pour stimuler le remplacement des cellules dysfonctionnelles qui s’accumulent. Les espèces non sénescentes utilisent massivement cette approche ! Ce constat évolutif nous invite donc à nous focaliser sur les causes moins profondes de l’âge et à développer ces technologies.

 

Si les espèces animales non sénescentes illustrent massivement cette dernière stratégie plutôt que la première, comme cela semble être le cas, c’est un signe clair de sa supériorité.

 

Bibliographie :

 

  1. Lemoine, M. The Evolution of the Hallmarks of Aging. Front. Genet. 12, (2021).
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  3. Cohen, A. A. Aging across the tree of life: The importance of a comparative perspective for the use of animal models in aging. Biochim. Biophys. Acta Mol. Basis Dis. 1864, 2680–2689 (2018).
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