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Cancer : la sénescence joue les agents doubles

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Points clefs :

 

  • La sénescence des cellules est une stratégie de l’organisme lui permettant de lutter contre l’apparition de tumeurs cancéreuses.
  • L’accumulation de cellules sénescentes avec l’âge crée un environnement favorable à l’apparition ou au développement du cancer.
  • Des études montrent que l’induction de la sénescence par les thérapies anticancers est tout d’abord favorable puis défavorable.
  • Ces éléments font de la sénescence des cellules une nouvelle cible pour lutter contre le cancer.

 

La sénescence : une stratégie évolutive anticancer. [1-2-3]

 

Les souris dont les cellules ne répondent pas aux signaux de sénescence développent un cancer précocement

Evolutivement parlant, la sénescence cellulaire (arrêt permanent du cycle cellulaire caractérisant les « vieilles » cellules) est une stratégie qui fait obstacle au développement de tumeurs. En effet, l’arrêt permanent du cycle cellulaire empêche les cellules endommagées ou stressées de proliférer de manière anarchique et ainsi devenir cancéreuses. Les cellules sénescentes sont reconnues et éliminées par le système immunitaire.

Il s’agit d’un processus programmé et limité dans le temps.

Les souris dont les cellules ne répondent pas aux signaux de sénescence développent un cancer précocement. De plus, les molécules sécrétées par les cellules sénescentes (ou SASP) propagent la sénescence aux cellules voisines (on parle de cellules « zombies »), ce qui a pour effet de limiter la croissance tumorale.
Ensemble, ces éléments illustrent la fonction anticancéreuse de la sénescence cellulaire.

 

Induction de la sénescence par les thérapies anticancer : un effet positif. [4-5-6]

 

Ce rôle positif de la sénescence dans le cancer n’a pas échappé aux chercheurs qui l’utilisent à leur avantage. Un nombre important d’interventions contre le cancer sont associées à l’induction de la sénescence cellulaire dans les cellules et tissus tumoraux.
La sénescence induite par la thérapie est particulièrement efficace lorsqu’elle est associée à la chimiothérapie et/ou à la radiothérapie dans le traitement du cancer et peut améliorer le pronostic des patients.
On parle de stratégie « 2 punchs ».
Les études montrent que la sénescence induite est associée au succès du traitement dans divers types de cancer. Cette induction de la sénescence des cellules cancéreuses est liée à une augmentation de la quantité et/ou de l’activité des suppresseurs de tumeurs comme p53, p21, etc…

 

 

Induction de la sénescence par les thérapies anticancer : un effet délétère. [4-5-6]

la sénescence induite par des traitements anticancéreux peut également avoir des effets délétères

Bien que la sénescence puisse jouer un rôle bénéfique dans la lutte contre le cancer, la sénescence induite par des traitements anticancéreux peut également avoir des effets délétères.

 

Lorsque les cellules cancéreuses subissent une sénescence induite par des traitements anticancéreux, elles cessent de se diviser et de proliférer, mais elles restent actives et peuvent sécréter des facteurs inflammatoires et des protéines de dégradation de la matrice extracellulaire, ce qui peut stimuler la croissance et la prolifération de cellules cancéreuses environnantes et contribue à la formation d’un microenvironnement tumoral favorisant la croissance tumorale.

 

En outre, la sénescence induite affecte de façon importante les cellules normales et les tissus, entraînant des effets secondaires tels que fatigue, perte de poids, douleurs musculaires et osseuses, baisse de capacité du système nerveux central, fibrose et dégradation de la fonction cardiaque.

 

Enfin, la sénescence induite peut également entraîner la sélection de cellules cancéreuses résistantes aux traitements limitant ainsi l’efficacité des thérapies anticancéreuses et favorisant la rechute tumorale.

 

La sénescence est-elle à l’origine de certains cancers ? [7-8-9-10]

 

La sénescence cellulaire joue donc un rôle complexe et paradoxal dans la genèse et la progression des cancers. D’une part, la sénescence cellulaire est un processus de vieillissement normal des cellules qui permet de prévenir la croissance incontrôlée des cellules et de maintenir l’intégrité génomique, ce qui peut aider à prévenir le développement des cancers. D’autre part, la sénescence cellulaire peut également favoriser la formation de tumeurs en permettant un microenvironnement propice à la prolifération des cellules cancéreuses.

 

Plusieurs études ont montré que la sénescence cellulaire peut être précurseur de certains types de cancer. Par exemple, des mutations dans les gènes qui régulent la sénescence cellulaire peuvent conduire à la transformation cellulaire et au développement de cancers. En outre, des facteurs environnementaux tels que le stress oxydatif, l’inflammation chronique et l’exposition à des toxines peuvent induire la sénescence cellulaire et favoriser la prolifération des cellules cancéreuses.

 

D’autre part, la sénescence cellulaire peut également jouer un rôle dans la progression des cancers. Les cellules cancéreuses qui subissent une sénescence secrétent des facteurs de croissance et des cytokines qui stimulent la croissance et la prolifération des cellules cancéreuses adjacentes, permettant ainsi un microenvironnement tumoral favorable à la croissance et à la progression de la tumeur.

 

En résumé, bien que la sénescence cellulaire puisse jouer un rôle protecteur contre le développement de certains cancers, elle contribue à la genèse et à la progression de certains types de tumeurs. Le rôle précis de la sénescence dans la pathologie du cancer est encore l’objet de recherches intensives et complexes.

Et maintenant ?

l'élimination des cellules sénescentes peut potentiellement améliorer l'efficacité des traitements anticancéreux

L’approche en deux temps (2 punchs) pour le traitement des cancers, qui consiste à administrer d’abord une chimiothérapie pour réduire la taille de la tumeur, suivie d’une thérapie sénolytique pour éliminer les cellules sénescentes qui pourraient favoriser la chute, est une stratégie intéressante qui a été proposé pour améliorer les résultats des traitements anticancéreux.
La même approche est actuellement étudiée pour les suites des traitements radiothérapiques (www.starkagetx.com).

 

Ainsi, l’élimination des cellules sénescentes peut potentiellement améliorer l’efficacité des traitements anticancéreux, réduire le risque de rechute et limiter les effets secondaires de ces traitements.

Cependant, cette approche nécessite encore des recherches supplémentaires pour déterminer son efficacité et sa sécurité chez les patients atteints de cancer.

 

 

Références

 

  1. Yang, J., Liu, M., Hong, D., Zeng, M. & Zhang, X. The Paradoxical Role of Cellular Senescence in Cancer. Front. Cell Dev. Biol. 9, 722205 (2021).
  2. Demirci, D., Dayanc, B., Mazi, F. A. & Senturk, S. The Jekyll and Hyde of Cellular Senescence in Cancer. Cells 10, 208 (2021).
  3. Goy, E. & Abbadie, C. Sénescence et cancer – Double jeu. médecine/sciences 34, 223–230 (2018).
  4. Wang, B., Kohli, J. & Demaria, M. Senescent Cells in Cancer Therapy: Friends or Foes? Trends Cancer 6, 838–857 (2020).
  5. Schosserer, M., Grillari, J. & Breitenbach, M. The Dual Role of Cellular Senescence in Developing Tumors and Their Response to Cancer Therapy. Front. Oncol. 7, (2017).
  6. Park, S. S., Choi, Y. W., Kim, J.-H., Kim, H. S. & Park, T. J. Senescent tumor cells: an overlooked adversary in the battle against cancer. Exp. Mol. Med. 53, 1834–1841 (2021).
  7. Cortesi, M. et al. Pancreatic Cancer and Cellular Senescence: Tumor Microenvironment under the Spotlight. Int..J. Mol. Sci. 23, 254 (2021).
  8. Chatsirisupachai, K., Palmer, D., Ferreira, S. & de Magalhães, J. P. A human tissue-specific transcriptomic analysis reveals a complex relationship between aging, cancer, and cellular senescence. Aging Cell 18, e13041 (2019).
  9. Kim, Y. H. & Park, T. J. Cellular senescence in cancer. BMB Rep. 52, 42–46 (2019).
  10. Prieto, L. I. & Baker, D. J. Cellular Senescence, and the Immune System in Cancer. Gerontology 65, 505–512 (2019).
  11. Campisi, J. Aging, cellular senescence, and cancer. Annu. Rev. Physiol. 75, 685–705 (2013).

 

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